La fille qui tressait les nuages

Un étrange récit surréaliste japonisant qui vire au thriller

Note : 2/5

La fille qui tressait les nuages - Céline Fauvet - éditions Chat noir - les mécaniques imaginaires

Ce livre fait partie des 5 livres finalistes pour le PLIB 2019, auquel les mécaniques imaginaires participent !

Une fable japonaise, promet le résumé en quatrième de couverture. Et cela commence tout comme : Haru attrape les nuages avec ses baguettes de tricot et les façonne, Akiko est transparente aux yeux de tous et tout le monde l’oublie sans cesse, les objets sont animés d’une vie propre.

Au début de La fille qui tressait les nuages, nous sommes doucement immergés dans L’écume des jours version nippone, avec un petit quelque chose de La passe-miroir de Christelle Dabos (merci encore Fanny pour la découverte !). Les pièces que l’on lance ne retombent pas toujours, des feuilles de papier s’échappent des paquets pour se planter d’elles-mêmes dans les tables qui en ont besoin, les clochettes sonnent toutes seules pour souhaiter bon appétit, toutes les expériences de la prof de physique déraillent car ce monde n’obéit à aucune loi régulière. Ce surréalisme doux donne au roman un abord assez poétique, un peu éthéré, très pastel.

Saitama-ken, Japon. Les pages sont émaillées de katsudon, de mochi, de yukata, de sakura, de o-mamori, de konbini… chacun donnant lieu à une définition en note de bas de page. Nous sommes complètement au Japon, donc : culture, nourriture, ambiance au lycée, vie de Julian, le personnage principal. Julian est moitié japonais moitié anglais : les autres enfants et ados l’appellent le « pas-fini » (comprenez : pas assez de sang japonais) et lui mènent la vie dure.

Julian a 3 amis : Souichiro Sakai, Haru et Akiko. Souichiro avait une sœur qui est morte quelques années avant le début de cette histoire, dont Julian était follement amoureux. Julian ne parvient pas à l’oublier et semble avoir purgé sa mémoire de nombreux moments liés à cette mort, dont il ne parvient pas à se souvenir.

Petit à petit, le roman bascule de sa poésie douce vers une sorte de thriller mémoriel, à base de malédiction familiale et de chats dévorés vivants. Julian va comprendre peu à peu que la famille de Souichiro, les Sakai, ont un énorme secret qu’il est impossible de dévoiler. Tout en refusant de se souvenir, il part en quête de cette histoire.

Si la première tonalité de La fille qui tressait les nuages, version fable surréaliste, m’a tout à fait convaincue, le passage vers la malédiction et la tragédie n’a pas fonctionné pour moi, comme si le Quand sort la recluse de Fred Vargas s’intercalait au milieu d’un conte, sans prévenir et sans avoir grand chose à y faire. J’ai eu comme la sensation d’une promesse non tenue. Certains éléments m’ont paru tout à fait prévisibles, comme le rôle d’Haru dans l’histoire.

La fille qui tressait les nuages propose néanmoins une immersion efficace dans la culture japonaise : les passages qui se déroulent au lycée, où les protagonistes vivent l’équivalent de la terminale et se demandent bien ce qu’ils pourront faire de leur vie, sont particulièrement chouettes et sympas à lire. Le niveau moyen de bordel ambiant me rappelait, en plus soft, l’ambiance en cours dans Akira (sans la défonce et les motos).

Derrière la fable et le thriller, ce roman met en scène les transformations qui accompagnent le passage à l’âge adulte, les choix qui amènent à tirer un trait sur son adolescence, la nécessité de couper le cordon et de ne pas se laisser entraîner dans la « roue » familiale qui amène à reproduire ce qui s’est toujours fait, le passage d’une vision idéaliste ou naïve des choses à une vision plus critique.

La fille qui tressait les nuages, de Céline Fauvet. Éditions Chat Noir, 2018.

Les mécaniques imaginaires Alice

L’avis de Justine

N’étant pas lectrice de manga et peu au fait de la culture et du quotidien japonais, j’ai été d’autant plus touchée pour l’étrangeté poétique qui se dégage de la vie de ces adolescents. Emportée par le style délicat et inventif de l’histoire, qui vire au sombre, puis au rouge, j’ai suivi la lente prise de conscience du héros, dans ce roman d’apprentissage bien singulier. J’ai trouvé les personnages secondaires très réussis, notamment l’amie du héros que tout le monde ignore, et le meilleur ami ambigu. Un univers qui m’a bien plu, à la lisière du surnaturel et de l’horrifique : le mélange avec le poétique ne m’a pas du tout dérangée, au contraire ! Je rejoins Alice sur l’analyse du poids de la tradition et des ancêtres dans la construction de l’individu, elle n’a pas son pareil pour déceler les enjeux et les lignes de forces qui s’enroulent autour des lignes du récit ! Une lecture originale que je recommande fort, je lui aurais mis 4 sur 5 !

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