La librairie de l’île

Ça, c’est un vrai conte, un petit roman tout simple qui fait du bien, qui tartine de tendresse les cœurs endurcis. A lire avec un thé et des gâteaux, quand il pleut dehors.

Note : 4/5

9782266273374

Cette chronique est écrite dans le cadre du Prix littéraire des Chroniqueurs web, catégorie Livres de Poche, sous-catégorie (que j’invente) : la mort, le deuil et après (3).

Pris séparément, tous les éléments qui font la trame de ce récit pourraient sembler déprimants : un libraire veuf qui ne se remet pas vraiment de la mort de sa femme et dont les affaires périclitent ; un bébé abandonné par sa mère déposé un jour dans la librairie ; une galerie de personnages secondaires qui ont aussi quelques ennuis…

Prenez tous ces faits, mélangez-les au shaker et vous obtenez un roman gai, vif et fort sympathique ! Ce n’est peut-être pas le livre « de l’année », mais il vous fera sourire ; les personnages sont attachants ; l’amour de la littérature infuse entre les lignes pour imprégner tout le roman.

L’action a lieu sur une île du Massachusetts, petit univers où tout le monde se connaît, avec ses deux restaurants et sa flopée de touristes en été. A. J. Fikry n’est pas du coin : il est venu ouvrir une librairie avec sa femme sur l’île natale de cette dernière. Depuis son décès, Fikry vivote ; il n’organise plus d’événements dans sa boutique, plus de rencontre avec des auteurs – c’était plutôt sa femme, l’extravertie. Lui est en mode ours grincheux. Attention, il n’est pas non plus insupportable, comme peuvent l’être les personnages de romans : il est déprimé mais humain (plus que le personnage d’Alors vous ne serez plus jamais triste !). Lorsqu’il agresse à moitié une représentante de maison d’édition qui ne lui a rien fait, au début du roman, il s’en veut. Il se désintéresse de la vie de l’île mais n’est pas coupé du monde.

Alors ce monde, il va s’y réintroduire peu à peu lorsqu’une toute petite fille est déposée dans sa boutique, au matin, avec un petit mot :

Voici Maya. Elle a vingt-cinq mois. C’est une petite fille douce et sage, TRÈS INTELLIGENTE, qui parle remarquablement bien pour son âge. Je tiens à ce qu’elle grandisse entourée de livres et de gens pour lesquels la lecture compte. Je l’aime infiniment, mais je ne peux plus m’en occuper. Son père ne peut pas faire partie de sa vie, et je n’ai pas de famille qui puisse m’aider. Je suis désespérée.

Bien à vous,

La mère de Maya.

J’aime beaucoup le « bien à vous » à la fin du petit mot. C’est très poli et un peu procédurier, ça décale le ton, ça rend tout le reste moins grave ; comme ce roman.

Fikry va évidemment adopter la petite et voir sa vie reprendre des couleurs, du volume, des odeurs. C’est le récit de ce ré-enracinement dans la vie de l’île, avec quelques intrigues secondaires et une histoire d’amour qui fait du bien.

Du début à la fin, je trouve que La librairie de l’île fait du bien, comme un médicament homéopathique vous soigne : délicatement, légèrement, sans effets secondaires ni arrière-pensée.

Je ne vous en dis pas plus de peur de vous dévoiler trop de l’intrigue. Je ne peux que vous conseiller cette lecture, surtout si il pleut dehors !

Et que vous avez de l’affection pour les librairies bien sûr… Vous vous souvenez de la librairie de voyage de Coup de foudre à Notting Hill ? Les quelques scènes du film qui s’y déroulent (le client qui demande tout sauf des livres de voyage…) donnent envie de mieux connaître le lieu. Dans ce livre, c’est pareil : on vit au rythme de la librairie, de ses clients, de son tenancier taciturne, de la fillette qui y grandit.

279 pages de douceur, ça fait toujours du bien.

La librairie de l’île, par Gabrielle Zevin. Pocket, 2015.alice